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Les Films de Hayao Miyazaki

Le Garçon et le Héron - Et vous, comment vivrez-vous ?

Image du titre du film

Synopsis

Scène de début du film : l'incendie Mahito et le héron Natsuko et les vieilles dames à la recherche de Mahito

Le Garçon et le Héron raconte l'histoire de Mahito, un jeune garçon de 11 ans, qui traverse une période difficile après la perte tragique de sa mère dans un incendie. Voulant échapper à sa douleur et à la solitude, Mahito part vivre avec son père et sa nouvelle belle-mère dans une maison isolée en pleine campagne.

Mahito attaqué par les pélicans
Mahito et le héron Warawara Mahito et son grand-oncle

Un jour, alors qu'il explore les environs, Mahito rencontre un héron mystérieux qui semble posséder des pouvoirs magiques. Le héron guide le garçon dans un monde étrange, où il se retrouve face à des créatures fantastiques et des phénomènes surnaturels qui l'aident à comprendre les mystères de la vie, de la mort, et de la nature.

Mahito et sa mère
Mère de Mahito Les vieilles dames Mahito et un camarade

À travers cette aventure, Mahito apprend à surmonter ses peurs, à accepter son chagrin et à se reconnecter avec ceux qu'il aime. Le film explore des thèmes de transformation personnelle, de deuil, de réconciliation et de reconstruction intérieure, tout en plongeant dans un univers riche et poétique où le surnaturel et le réel se mêlent.

Natsuko

La petite review de Madame Didelon

C'est le dernier film sorti de Miyazaki ! Je l'ai vu une fois au cinéma. C'est donc difficile pour moi de donner mon avis dessus. Toutefois je salue les dessins, on reconnait la main de Miyazaki comme toujours, et la musique de Joe Hisaishi qui sait nous transporter sans fioriture dans les émotions du personnage principal.

J'ai eu du mal à comprendre ce film et je cherche encore à le comprendre. Mais je sais que j'ai envie de le revoir, donc c'est forcément une bonne chose !

Analyse du film

Le garçon et le héron est une œuvre qui a été attendue durant de nombreuses années par les fans et la critique, le film précédent de Hayao Miyazaki, Le vent se lève, étant sorti depuis 10 ans. Mais au bout de 7 longues années de production et un silence total sur le contenu de son œuvre, le réalisateur nous livre une œuvre aussi complexe que phénoménale, déjouant tous les pronostics à son sujet.

Dès les premières minutes, le spectateur est troublé par les images qui se déroulent devant l’écran... Il est immédiatement plongé au chœur du chaos d’un incendie ravageant Tôkyô. Comme un écho à ce moment tragique, le spectateur est embarqué en pleine action, sans qu’on prenne le temps de planter le décor et les personnages. Le ton est donné : il faudra suivre Mahito en acceptant ses aventures et son point de vue. C’est lui le point central de ce film, le seul à apparaitre clairement parmi la foule aux contours flous et indistincts.

Inotre univers et celui de la tour ne sont pas si antinomiques. L’étrange création est en réalité profondément reliée au nôtre. Les attendrissants Warawara s’envolent pour devenir des humains, tandis que les âmes errantes sont nos morts cherchant l’apaisement d’une faim inextinguible. Les deux mondes semblent en réalité mystérieusement reliés, à travers le portail temporel qu’est cette tour tombée du ciel. Le vieil oncle, soucieux de constamment conserver l’équilibre précaire de l’autre monde, a cherché par ailleurs à y introduire deux espèces. Mais l’apprenti démiurge a en réalité totalement échoué : les pélicans sont incapables de s’adapter, n’arrivent plus à s’alimenter et perdent peu à peu leur faculté de voler. Ils sont condamnés à disparaître à très court terme. Quant aux perruches, normalement adorables volatiles colorés, elles sont désormais capables de parler, de cultiver et cuisiner leurs champs, de se mouvoir sur leurs deux pattes et de développer une véritable société. Elles s’émerveillent devant un jardin fleuri et espèrent un jour pouvoir vivre dans ce « paradis ». Mais derrière cette anthropomorphisation assez charmante se cache en réalité une espèce aussi prédatrice que dangereuse. Affamées de chair humaine, elles peuvent s’armer de couteaux, constituer une armée et ravager le pays. En plaçant à leur tête un roi égoïste et ambitieux, (surnommé « Duch » sur les pancartes, allusion à peine masquée à Mussolini), elles sont prêtes à mener une révolution meurtrière. En réalité, les perruches sont le double des hommes, un pendant parfait à notre humanité, a fortiori dans un Japon rongé par la guerre, sur le point de connaître la capitulation et la dévastation par les bombes atomiques après avoir été un empire guerrier régnant sur le Pacifique. Ce monde n’est donc pas si étranger aux nôtres, il en est le pendant. Le vieil homme prévient plus tard Mahito : ce dernier peut encore sauver le monde de la tour s’il reste et s’il veille à maintenir son équilibre fragile, plutôt que de retourner auprès d’une humanité qui court à sa propre perte. Mais en réalité, ce microcosme onirique sera finalement détruit quelques instants plus tard par le roi des oiseaux, symbole de l’ambition irraisonnée et dévastatrice. Loin d’être un refuge à l’abri de la folie des hommes, cet autre monde est donc plus que jamais le reflet du notre, fragile et menacé par notre propre déraison. Dès lors le choix de Mahito est clair : mieux vaut reconnaître et accepter ses imperfections dans notre monde imparfait et réel, entouré par ses proches, plutôt que de courir derrière la chimère d’une société parfaite et dans une solitude angoissante.

Quelques critiques ont vu d’ailleurs dans le grand-oncle rongé par l’inquiétude une sorte de double de Hayao Miyazaki, qui lancerait un message d’alerte sur notre tragique destinée. Il faut dire que le réalisateur y introduit plusieurs thématiques personnelles. Ainsi, Shôichi est le dirigeant d’une entreprise qui fabrique des composants d’avion, comme le propre père de Miyazaki. Il apparaît comme un père de famille distant, souvent plus préoccupé par son travail que par le quotidien, image traditionnelle du pater familias du milieu du siècle. En tant que spectateur, on peut même y déceler une allusion à la propre paternité du réalisateur, qui, de son aveu et de celui de son fils Gorô, a plus été tourné vers sa passion pour l’animation que vers l’éducation de ses enfants. Le titre japonais du film, Kimi-tachi wa Dô Ikiru ka (littéralement, Vous tous, comment vivrez-vous ?), est, quant à lui, un hommage à un véritable ouvrage offert et dédicacé par la mère de Miyazaki à son fils. Le réalisateur va plus loin en animant même entièrement une scène où son héros Mahito découvre fortuitement ce livre, laissé par sa mère à son intention.

Il est tentant de voir en ce vieil oncle inquiet et désabusé une incarnation des angoisses du réalisateur nippon, et de percevoir ce film comme la prédiction d’un monde courant à sa perte. Pourtant le message semble moins pessimiste qu’il n’y paraît. Certes, le vieil homme apparaît à la fin du film comme étant dépassé par sa propre création. Il a commis de nombreuses erreurs, comme l’introduction des perruches, qui va le conduire à sa propre disparition. Mais plus que Miyazaki lui-même, cet oncle peut symboliser en réalité l’échec des générations passées ayant concouru à leur propre perte.

Parallèlement, Mahito pourrait alors être l’espoir d’une jeunesse qui apprend à surmonter ses angoisses, qui se tourne vers autrui et choisit résolument l’avenir. En effet, le jeune homme apparaît au début totalement mutique, bloqué par le traumatisme de la mort de sa mère, incapable d’intégrer sa nouvelle famille et notamment sa belle-mère enceinte. Son attitude renfermée, sa colère intérieure aboutissent d’ailleurs à une escalade de drames : la blessure qu’il s’inflige à lui-même provoque le désespoir de sa belle-mère, qui ne sent pas à la hauteur et préfère fuir dans l’autre monde. C’est l’arrivée dans cet univers qui provoque chez Mahito un sursaut salvateur et lui donne le courage de surmonter son traumatisme et de se tourner vers les autres. Du vieux pélican qu’il enterre aux soins apportés au héron râleur en passant par la défense des Warawara, il est de plus en plus résolu à aider son prochain, même si ce dernier n’est pas exempt de défauts. Son silence envers Natsuko est enfin brisé dans cette scène bouleversante où il la découvre alitée, entourée de petites bandelettes de papier protectrices. Ces derniers ne sont pas sans rappeler les tanzaku, ces petites cartes verticales utilisées pour écrire un vœu et accrochées dans un arbre à souhait. Ici, la scène de retrouvailles est violente, tous les éléments semblent vouloir empêcher le jeune homme d’atteindre son but, les papiers prennent vie, deviennent tempête violente, cherchent à bâillonner Mahito. Mais ce dernier, n’écoutant que son cœur et son courage, crie enfin à Natsuko qu’il l’aime comme sa mère, même si cette dernière semble le rejeter... À moins qu’elle ne cherche, dans un geste ultime de désespoir et de protection, à l’éloigner du danger qui le guette. Lors du choix final, entre rester dans le passé, à savoir cet univers chimérique où vit sa mère, et retourner dans un présent imparfait mais réel, Mahito choisit la promesse d’un futur où il ne sera plus seul. Une fois le garçon réconcilié avec son passé, le devoir de mémoire est devenu une possibilité d’avenir.